MINORITY REPORT
Etats-Unis.2001. Réalisation :Steven Spielberg. Avec Tom Cruise,
Colin Farell, Samantha Morton, Max Von Sydow...Scénario: Scott
Frank et John Cohen. Photo: Janusz Kaminski. Musique: John Williams.
Production: Cruise/Wagner/Blue Tulip/Ronald Shusett/Gary Goldman.
Distribution: Twentieth Century Fox et Dreamworks Pictures. Dupree
: 2H15.
"Le meilleur film de Spielberg",
Michel Ciment - Positif. Il ne fallait pas en dire plus. Michel Ciment,
l'un des plus grands spécialistes du cinéma américain,
s'engage personnellement. Depuis A.I, Spielberg est devenu
l'ami des amis de Kubrick, c'est bien.
J'étais de ceux qui se faisaient une joie de voir ce film :
l'histoire tirée d'une nouvelle de Philip K.Dick était
séduisante ; Tom Cruise en héros noir, cassé
; Colin Farell, véritable révélation de Tigerland,
star montante à ses côtés ; et Spielberg qui s'aventurait
dans un nouveau genre, le film noir. Au final, déception.
Il ne s'agit pas du meilleur
film de Spielberg, et honnêtement A.I lui est supérieur,
à tous les niveaux. Le film laisse souvent une impression de
vide, des séquences magnifiques s'enchaînent à
d'autres, plus critiquables. Spielberg racommode, il joue de l'aiguille
avec la virtuosité, et parfois le génie, qu'on lui connaît.
Pourtant quand il s'intéresse à son personnage, le fouille,
son film devient intéressant. Cruise change, son visage s'assombrit,
une cassure apparaît, il n'est plus qu'une ombre qui court après
son passé, vers son fils… Une sale histoire que de perdre un
enfant. Il reste à ce super flic son travail : traquer le tueur
avant qu'il n'agisse, anticiper le futur, le modifier. Lire dans l'avenir,
se prendre pour Dieu. Il y a cette dimension religieuse dans le film,
avec les Oracles, le sanctuaire ; la superbe photo de Kaminski qui
donne l'impression de pénétrer dans une église,
et puis la rédemption, le pardon. Mais avant tout, lire dans
l'avenir, c'est voir.
Il semble que l'œil soit au
centre de ce film, sans pour autant être un cours d'optique.
Il est vrai qu'en ouvrant les yeux, le spectateur pourra s'apercevoir
que beaucoup d'images sont dans les images, comme s'il y avait un
message à faire passer, du genre : La vérité
est cachée dans les images. Cruise à l'aide de ses
gants spéciaux replacent les visions "du précogs",
ils les ordonnent afin de découvrir ce qui se cachent derrière
elles. J'ai essayé de faire la même chose avec les images
de Spielberg, je n'ai rien trouvé, tout au plus des fragments.
C'est embrouillé, le film hésite, parfois c'est un pur
divertissement, gratuit, avec de l'action, des gags (?) ; et puis
d'autres, une vraie analyse. C'est bancale, et puis la fin est bâclée.
La relation qu'entretiennent les personnages joués par Farell/Cruise
manque de relief et d'explication, on ne comprend pas les motivations
de Farell. Il ne reste que cette intrigue et cette quête, savoir
où Cruise en est dans sa vie, et vers quoi il court. Son destin
se joue dans cette chambre 1006, et les 30 minutes qui précédent
ce coup de feu sont magnifiques. Le reste…
Minority Report s'amuse à
réfléchir sur les pouvoirs de l'image, en même
temps qu'il divertit. Le mélange aurait pu être réussi,
mais voilà Spielberg ne s'est pas mouillé, l'expérience
AI a froissé son public, il le retrouve, mais risque
aussi d'en perdre un autre, volontiers plus exigeant, et qui plus
que tout souffre de l'approximation et du gâchis.
Christophe Lenoir
LES SENTIERS DE LA PERDITION
Réalisation : Sam Mendés. Avec Tom Hanks (Michael Sullivan),
Paul Newman (John Rooney), Tyler Hoechlin (Michael Sullivan, Jr.),
Jude Law (Maguire)…
Scénario : David Self. Photo: Conrad L.Hall. Musique: Thomas
Newman. Production: Sam Mendes, Dean Zanuck, Richard D. Zanuck. Distribution:
UFD. Durée: 2h05.
Sam Mendes vient du théâtre, et ça se ressent.
Non pas qu'il y ait des planches sur "la mise en scène",ou
un rideau qui se baisse à la fin du film, quant aux acclamations…
Déjà American beauty laissait planer cette sensation
de grandiloquence : les grands thèmes abordés, ici en
l'occurrence, l'Amérique : celle du bourgeois provincial, du
monsieur tout le monde. 5 oscars ! dont celui du meilleur réalisateur
; l'académie a de la merde dans les yeux, on le savait. Si
elle avait pris soin de les ouvrir, elle aurait vu Happiness
de Todd Solondz, mais bon le Pathos et les belles images ont toujours
raison du reste. Sam Mendes récidive.
Le film n'est pas gênant, la distribution est superbe, Tom Hanks
en père tueur, Paul Newman en mafieux irlandais, et surtout
Jude Law (Maguire), magnifique une fois encore : dès qu'il
apparaît, le film change complètement de tonalité
; il devient sournois et violent, intéressant. Seulement ce
n'est pas son personnage qui conduit l'histoire, le film raconte autre
chose, il a une morale, oedipienne, les tragédies grecques
et tout le reste. Ici la question est de savoir si le fils va devenir
comme le père, si si…
Je vous explique : Tom Hanks
(sullivan) a été recueilli par Paul Newman (Rooney),
il l'a élevé comme un fils, et bien sûr ce dernier
a emprunté la même voie que son père adoptif.
Puis il a grandi, Sullivan a des enfants, une femme et il travaille,
il nettoie… Les fils s'interrogent sur son métier, le plus
âgé (Tyler Hoechlin) décide de voir ce qu'il y
a derrière tout ça, et c'est la tragédie qui
commence. Le fils naturel de Rooney tue la femme et le deuxième
fils de Sullivan : Vengeance ! Sullivan part avec Michael, son dernier
fils sur "les sentiers de la perdition", car c'est cela
toute l'idée du film. Le fils va vivre comme un tueur durant
quelques semaines, il va faire son éducation comme on pourrait
dire, et puis à la fin, grande question, quel chemin aura-t-il
emprunté ? Dans le scénario, ça se tient, c'est
du solide. Et les acteurs, la photo (magnifique) sont coulés
dans le béton. On devrait se contenter de ça, ouais,
pourquoi pas !
Mais non, bas les masques,
Mendes est un vicelard. Il se cache derrière cette Somme, cette
Réunion de talents, et il met en images son histoire. Il y
a de très belles séquences, sous la pluie, au ralenti…
mais que c'est creux. Et la musique ! qui en rajoute des tonnes, tout
devient prévisible, dommage. Mendes est tombé dans cette
fameuse logique commerciale, celle de la rentabilité, du tout
public ; elle n'est pas a condamnée, et les pus intelligents,
créatifs, s'en sortent très bien. Seulement ces gens
là (Scorsese, Coppola, De Palma…) ne viennent pas du théâtre,
et ils savent qu'une histoire a ses limites. Ce n'est parce qu'on
parle de guerre, qu'on raconte la guerre. C'est mon sentiment sur
ce film, Mendes parle de perdition, mais à aucun moment il
ne sait la mettre en scène. Dès lors le film ronfle,
et il ne propose que cette histoire de mafieux, de règlements
de comptes : où est passée la figure du père
? Elle dort avec son réalisateur et le cahier des charges,
sur les sentiers du mensonge.
Quel gâchis ! Mais comme je l'ai écrit, il reste de belles
images, de belles gueules, et surtout ces deux scènes : la
première oppose dans un restaurant l'inquiétant Maguire
à Sullivan ; l'autre s'orchestre sous la pluie, un règlement
entre Rooney et Sullivan, de la poésie : elles sauvent le film.
Les sentiers de la perdition,
c'est une histoire forte qui cache un pur produit de divertissement,
à quand l'inverse monsieur Mendes ?
Christophe Lenoir
BULLY
Séance de rattrapage
en DVD
Larry Clark : soixante piges,
barbe grise, photographe puis cinéaste. Avec ça, rien
d'extraordinaire, et puis Coppola a une barbe aussi, mais Clark n'aime
pas le vin, et il n'a jamais filmé la guerre, du moins pas
celle qu'on croit.
Tout comme Coppola avec Outsiders, Clark parle de la jeunesse américaine,
mais pas de ses souvenirs : ses films ne sont pas des poèmes,
ils sont âpres et violents, sans concession.
Tout a commencé en 1995, un jeudi peut-être, il devait
faire beau, mais quelle importance… Kids, son premier film, venait
de nous péter à la gueule, suivront Another day in Paradise
et Bully. Des coups de poing en pleine poire, du genre tu te relèves
pas.
Clark va loin, ou plutôt il va là où il doit aller
: à l'intérieur, au fond des choses. Alors cette belle
jeunesse américaine louée par les feuilletons débiles
de Spelling, de Beverly Hills à Melrose place n'ont plus rien
à voir. Ici les problèmes ne sont pas de savoir qui
couche avec qui (d'ailleurs ils baisent tous ensemble, ces jeunes
branleurs), ou qui a trahi l'autre, ou qui est mieux fringué
que l'autre, ou alors de savoir si papa va être content de ma
bonne action… rien à foutre ! Cette génération
de débiles, coupée des réalités, shoutée
aux drogues dures, incapables d'affronter la réalité
creuse son trou et s'enterre.
L'histoire se passe en Floride, rien de tel, le ciel bleu et la mer,
le rêve. Mais la Floride pue la merde, elle suinte la mort.
Un constat évident, cette génération privée
de repères, livrée à sa propre subjectivité,
s'en remet aux actes les plus primaires, en définitive, aux
pulsions. Le sexe et la violence. Elles sont liées, et Clark
les filme très bien : des plans sur des fesses, des partouzes
suggérées, des seins qui se baladent, en fin de compte
des images informelles, une mise en rayon de produits sur le marché
de l'image. C'est la grande force de ce film, il est construit comme
un produit de consommation courante, et tous les personnages du film
jouent et se comportent de cette façon : ils consomment une
fille, ils consomment une journée, ils consomment la vie de
leur pote. Il n'y a plus rien, que du vide, des bébés
tueurs. Voilà à quoi en est réduit cette génération,
qui n'a comme seul vecteur d'intégration que les notions de
commerce et les réflexes de consommation, et ce rêve
digéré (façon Star Accademy, Pop Star, et autres
émissions amplifiant ce syndrome). A partir de là tout
devient irréversible, et l'acte le plus horrible devient d'une
extraordinaire banalité pour ces jeunes gens. Marty Puccio
ne supporte plus la violence et la domination qu'exercent celui qui
se prétend être son meilleur ami, Bobby Kent (Très
bon Nick Stahl en pervers désœuvré). Puis deux filles
arrivent dans leur histoire comme une boîte de Pandore ; un
plan se dessine, éliminer ce salopard de Billy.
Il n'aurait certes pas volé une correction, mais la mort ?
Quand une génération ne trouve plus le moyen de s'exprimer
par le dialogue, elle se réfugie dans la violence. Une violence
noire car normale, ils ne savent pas ce que c'est, ils vivent avec.
Ce film m'a fait penser au très bon L'appât de Bertrand
Tavernier. Il se termine de la même façon, avec ce même
constat : des jeunes qui tuent, incapables de se battre pour leur
rêve, se réfugiant dans la facilité, et quelque
part, ce qui est horrible, légitiment leur violence comme une
façon d'être, d'exister : un style de vie. Mais que font
les parents ? Clark ne se pose pas vraiment la question, il faudra
attendre Ken park qui sort prochainement pour une réponse.
Cela dit et je le pense, les nouveaux tueurs sont nos enfants, et
ils ne sont pas américains.
Christophe Lenoir
Spider-man
Une
araignée tisse sa toile sur le box office américain, et
bientôt sur le continent européen. Il faut dire que nous
sommes tous un peu nostalgique de ce héros "Marvélien"
se balançant de tour en tour sur la cinquième avenue,
comme jadis un autre héros exhalant son cri de guerre à
l'autre bout d'une liane.
Mais ce film ne singe pas, et
la bonne idée de la Columbia fut sans doute de confier la réalisation
à Sam Raimi. Auteur de la trilogie des Evil Dead, cet
américain a signé l'un des grands film noir de ces cinq
dernières années : Un plan simple. Et aussi, mais
d'une manière moins frontale, son film sur le base-ball, Pour
l'amour du jeu. Loin d'être une bluette sentimentale, ou une
histoire sur les règles d'un sport roi aux USA, ce film parle
surtout d'un héros usé, sur le retour (superbe Kevin Costner)
; un lanceur qui voit sa vie défiler devant ses yeux, et qui
sur un match joue son avenir. Un film sur le destin, un film noir, comme
ce fameux Spider-man. Parler de ce film autrement ne serait pas
très intéressant, et d'autres l'ont fait bien avant :
cette araignée mutante, Peter Parker qui découvre ses
super pouvoirs, le bouffon vert, ou encore les péripéties
de la compagnie Cannon (Marvel leur a cédé les droits
en 85)… Ce qu'il y a d'intéressant avec Spider-Man, c'est
qu'il est bien plus qu'un comics, et à bien des égards
il est beaucoup plus noir que le dernier film de Fincher, Panic Room
(la seule chose noire dans ce film, c'est la photo, sombre comme toujours
chez Fincher, et Konjdi)*.
Dans les films noirs, il y a
toujours cet accident, cette fatalité qui va transformer la vie
du personnage principal, son quotidien ;pour l'homme araignée,
il s'agit d'une piqûre arachnoïdienne, et le voilà
à s'ouvrir les poignets, à lâcher ses filaments,
mais pas pour la bonne cause, juste pour séduire sa voisine,
la très belle Kirsten Durst. Mais comme le disait son oncle :
"de grands pouvoirs sont toujours accompagnés de grandes
responsabilités". C'est l'heure du choix, et Parker/Spider-Man
fait le mauvais, son oncle meurt. A partir de ce moment et tout au long
du film, le héros, mais aussi son pire ennemi, chercheront à
se positionner, à savoir qui ils sont vraiment.
Spider-Man est un film sur la construction de deux individus
(qui se dédoublent, et s'affrontent comme le bien et le mal),
une histoire sur l'identité.
A la fin du film Tobey Maguire sait, il renonce à une vie normale
(à l'amour), il est devenu Spider-Man. Tout comme on devine que
son meilleur ami (le fils du bouffon vert) choisira la voie que son
schizophrène de père a empruntée. La suite promet
d'être aussi intéressante (le tournage commence début
2003).
Mais pour tout ceux que cela
intéressent moyennement, il y a aussi dans ce film une très
belle séquence de cinéma, à mon avis la plus belle
de ces dix dernières années : une scène de baston
sous la pluie comparable à celle de Coppola dans Outsiders,
et un magnifique baiser au coin d'une rue, avec cette eau qui ruisselle,
glisse sur la peau ; et ce petit ralenti sur Kirsten Dunst, la nuit…juste
pour ça, Spider-Man est le grand film de cette année.
Grand film "noir" déguisé, bien sûr.
Christophe Lenoir
* même scénariste pour les deux
films d'ailleurs, David Koepp
Total Kheops
• Marseille aujourd'hui…
Ses odeurs, ses rues, la mer, les quartiers populaires, les cafés.
Marseille et ses truands, vieux fantômes qui épousent parfois
les nouveaux, ceux d'une extrême droite qui se faufile et gagne
du terrain.
• Marseille, il y a 25 ans, Fabio, Manu, Ugo sont trois fils d'immigrés,
traînant joyeusement leur jeunesse avec Lole, dont ils sont tous
trois amoureux.
Trois grands ados du Panier, trois amis, " à la vie à
la mort ", qui décident un jour, plus par bravade que par
intérêt, de braquer des pharmacies, histoire de vivre mieux,
plus vite. C'était une vie facile et insouciante peuplée
de nuits blanches et de fêtes. Jusqu'au jour où tout a
basculé. Leurs chemins se sont alors séparés.
• Le temps a passé, Manu
est devenu un petit truand macho et flambeur qui vit avec Lole. Ugo
est parti brader ses illusions à l'autre bout du monde.
Quant à Fabio, il est devenu flic, un drôle de flic, un
peu éducateur, un peu " assistante sociale ".
• Lorsque l'histoire commence,
Manu sort de prison, Lole est venue le chercher - bonheur retrouvé
de courte durée. Après un cambriolage, Manu est abattu
par un motard.
A son enterrement, Fabio retrouve Lole et le passé remonte doucement
à la surface, avec le souvenir d'un baiser échangé
il y a quelques années.
Quand il va mal, Fabio ne quitte plus son cabanon des Goudes. Là,
il se ressource avec son bateau de pêche et la vieille Honorine
qui prend soin de lui depuis toujours.
• Et puis, Ugo revient pour venger
Manu : sans hésiter, il abat Zucca, le parrain marseillais, avant
de se faire abattre à son tour… Total Khéops à
Marseille…
Lole a disparu. Unique survivant, Fabio veut retrouver ceux qui ont
causé la mort de ses amis d'enfance. Ugo lui a tracé la
voie, il ne doit pas le décevoir, au nom de l'amitié,
de la fidélité à leur jeunesse.
Alors, en solitaire et en marge de ses fonctions, Fabio se met en chasse
dans une ville où l'extrême droite pactise avec la Mafia,
où vieux truands et flics corrompus font régner la terreur.
A ses risques et périls, Fabio va venger ses amis et du même
coup ébranler les stratégies souterraines du présent
marseillais.
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