Q U A T O R Z I E M E_ S E A N C E

 

Chronique à chaud d’un film glacial

 

Harry Brown, de Daniel Barber

Le thème de ce thriller est simple :

Un ex-marine retraité habite un quartier sensible de Londres. Caïds, dealers, la violence des gangs rythme le quotidien des habitants. Notre Harry Brown du titre semble ignorer ce qui se déroule à proximité de chez lui. Ses journées sont calquées les unes sur les autres. Visite à sa femme hospitalisée, puis partie d’échecs avec le vieux Léonard. L’épouse ne peut s’exprimer, alors que l’ami, lui, se plaint des désagréments causés par les voyous parasitant son existence. Un jour, à bout de patience, Léonard envisage d’endiguer ses rancœurs à la pointe de sa baïonnette. Riposte qui causera sa perte. Une mort atroce, dans un tunnel piétonnier, filmée sur portable par les agresseurs. Harry Brown, affligé par le décès de sa femme, reçoit plus mal encore la perte de son ami. Et décide d’affronter les coupables.

H.B. se procure une arme de poing, ce qui vaut au spectateur une longue séquence dans l’antre d’un duo de junkies, à la limite du supportable. Heureusement, sir Michael Caine, 77 ans, cheveux blancs, voix française d’un calme un poil surréaliste, fait passer la pilule. N’empêche qu’il bute les deux dégénérés. Et ce n’est qu’un début…

Rien de très original, a priori. Mais en y regardant de plus près, le spectateur est confronté à un réalisme terrifiant. Barres d’immeubles version cabanes à lapins, taguées.  Espaces vert-de-gris squattés par des bandes. Méfaits. Provocations. Obscurité. C’est glauque. L’image est si forte, la tension, si extrême, que j’en ai délaissé la musique et suis incapable d’en dire le genre ! Qu’importe, le regard blasé, puis déterminé d’H.B. vaut toutes les bandes-son du ciné banlieusard.

Un lieutenant de police, jeune et au féminin, traverse le film, lestée de toute l’impuissance de sa fonction face aux dures réalités de la rue. H.B. sera amené à la sortir d’affaire, lors d’un carambolage. Ça tombe à pic, ce beau geste lui permettra de s’en tirer au final.

Ce film noir urbain, implacable, bien mis en scène, renvoie ″Le Justicier dans la ville″, hyper décrié à sa sortie pour apologie de l’autodéfense, au rayon des simples films d’action. Charles Bronson est touché plus directement, avec la perte de sa femme et le handicap de sa fille. Caine perd un ami, et cependant la violence est plus manifeste. Avec le recul de plusieurs décennies, je pense que la série ″Le Justicier…″ possède un zest de spectacle cinématographique, comparé à ce glaçant Harry Brown. Ici, point de concession, genre humour, amour, rêve ou simplement fiction ! Du brut de brut. Et Caine est plus raide que Bronson. La loi du talion. Son personnage de ″La loi du Milieu″, avec des siècles en plus. Après avoir incarné un ancien nazi planqué en France, le voici en ancien marine ressuscité, empreint de solitude et de ras-le-bol. Quel bel acteur. Faut le dire.

Les vues de l’affrontement ultime entre jeunes et policiers ressemble à s’y méprendre à celles diffusées dans les journaux télévisés. Dommage. Déjà  que l’impression d’ensemble renvoie à des documentaires sophistiqués. Les critiques spécialisés sont, dans l’ensemble, favorables.

Quant à mon point de vue ?

Pour et contre.

Pas trop pour.

 

 

Chronique à froid d’un film noir de bougie

 

MR73, d’Olivier Marchal

Un officier du SRPJ s’acharne, alcool aidant, à enquêter sur une affaire qui lui a été jadis retirée. Un double homicide, 25 ans plus tôt. Le coupable s’apprête à être libéré…

Le film ne fait pas dans la dentelle. D’entrée, le générique s’étire sur fond de braquage de car, la nuit, à Marseille. Un forcené ivre. Daniel Auteuil, exceptionnel, à nous donner envie de se flinguer. Via l’affiche, nous savons qu’il est flic. Dommage, ça enlève l’effet de surprise lors de l’intervention du GIGN. Qu’importe, ce Louis Schneider n’est pas avare de surprises. Décors intérieurs ou extérieurs, habits, visages des protagonistes, tout est sombre, à l’avenant du scénario. Le QG du service ressemble à un hangar désaffecté dans lequel on aurait distribué bureaux et vestiaires métalliques. A des lustres du trois étoiles du commissaire Cordier !

Deux affaires se chevauchent plus ou moins, sans flouter la progression de l’histoire du héros, Schneider, qui ne peut nous guider que vers sa perte. La force du film est de prendre en considération les victimes de psychopathes et de laisser la suspicion quant aux libérations anticipées de ces derniers. Le tueur est hallucinant de calme, terrifiant de froideur. A côté, Machiavel est sympa et on aurait envie de l’inviter à notre table ou en faire le parrain du petit dernier ! En plus, il est coiffé comme l’ex-entraîneur de L. Manaudou…

Pourquoi MR73 ? C’est l’arme de l’équipier de Schneider, tué par un molosse, que notre flic déprimé va s’approprier pour régler les comptes. Une sorte de « vieux fusil ».

Séquence mémorable : Une bagarre entre policiers dans la morgue, alors qu’un arrivage de cadavres calcinés encombre la salle, au grand dam du préposé !...

Bémol : Parfois, l’obscurité omniprésente plombe l’ensemble.  

L’action à l’intérieur d’un chenil, sous la pluie, est sanglante mais superbe. Fenêtre de force dans la noirceur de la violence.

Il y a quelques années, Olivier Marchal avait présenté son premier film, Gangsters, lors du festival de St-Quentin-en-Yvelines. J’avais eu la chance d’y assister, présentant alors mon expo de portraits Sombres et lumière. Un cinéaste costaud, en marge de tout ce qui se fait dans le polar.

Un film rude. Solide. Réaliste.

Et envoûtant

 

Roland Sadaune

Entracte…


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