Festival Noir et Blanc
Saint-Macaire, une demi-journée du Polar bien arrosée
!
Rien que la ballade promettait
avec les noms suivants : Lalande de Pomerol, Saint-Emilion, Sauternes
ou encore Sainte Croix du Mont. Nous allions faire étape dans
le Bordelais. Le programme de l'association indiquait d'ailleurs des
dégustations à tout va.

Arrivés à bon port,
dans cette commune de 1600 âmes, à l'heure de l'apéro,
les vignerons présents régalaient auteurs et visiteurs.
Côté écrivains, Ils étaient presque tous
là, ceux pour qui le cercle noir avait fait le déplacement
: La Rodezienne Stéphanie Benson, les Bretons Denis Flageul et
Gérard Alle, le Liégeois Joe G. Pinelli, le Guadeloupéen
d'adoption en partance pour la Corse Jacques Vettier, le régional
de l'étape Philippe Cougrand et les Parisiens Cesare Battisti,
Alexandre Dumal, Jean-Paul Jody et Jean-Hugues Oppel.
Etait-ce le fait d'un repli dans une salle des fêtes pour cause
de temps incertain, qu'il manquait à cette réunion de
polardeux le petit brin d'exubérance que l'on a connu à
Cognac, à Lamballe, à Montigny-lès-cormeilles,
à Frontignan, à Loches ou encore dernièrement à
Concarneau. Même autour du repas et malgré les bonnes bouteilles
que nous nous étions offertes ça le faisait moins. Les
organisateurs, eux-mêmes, fatigués par les nuits atypiques
de Langon et leurs trois soirées de Noir et Blanc, ne semblaient
pas vraiment présents. Dur dur la vie d'artiste !
Rabattons-nous sur les produits locaux : vins de Bordeaux, foie gras
de Gironde et cannelés.
L'origine de ces derniers, on la doit à Philippe Cougrand, l'auteur
régional de l'étape : Autrefois, à chaque déchargement
de farine sur les quais de Bordeaux, des bonnes sœurs ramassaient le
peu qui restait pour réaliser des petits gâteaux qu'elles
offraient aux pauvres de la ville. Maintenant, ces cannelés,
cuits au four pendant près de soixante minutes dans des moules
en cuivre, font partie des spécialités de la région
bordelaise. Traditionnelles, à base uniquement de pâte
à crêpes, ou aromatisées aux amandes, à la
noix de coco, au citron, ces friandises sont de véritables petits
péchés dont Dom Polardo ne vous tiendra pas rigueur.
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Rillettes
de canard au foie gras, magrets de canard séchés
et foie gras de canard de Gironde étaient au menu de ce
samedi midi à Saint-Macaire. Pour quatre euros, l'assiette
était bien garnie de ces très bons produits régionaux.
A découvrir aussi, d'après l'ami Jody, la fricassée
de guit, le chili con carné régional. Accompagnés
d'un jeune Saint-Emilion de l'an 2000 ou d'un Côtes de Bourg
de l'an 91, ces différents mets chatouillaient agréablement
nos papilles de gourmets et de gourmands. J'ai les noms de cette
tablée, en plus de l'invité d'honneur déjà
nommé ci-dessus ! |
Finissons donc par les vins.
Les vignerons présents étaient généreux
et, semble-t-il, heureux d'offrir à la dégustation gratuite
leurs différents nectars. Olivier Braud, un jeune viticulteur,
présentait ses Premières Côtes de Blaye, Romain
Sou, ayant prit la suite de ses parents ce mois-ci, comblait les dégustateurs
avec ses Côtes de Bourg dont le 1991 à l'arôme de
myrtille des bois, merci Gérard Alle ! Philippe Guignan, vigneron
acquit depuis toujours à la cause du tout naturel, servait ses
Bordeaux AOC vieillis en fûts de chêne et Jean-Paul Brissaud
régalait les fins palais de ses Saint-Emilion, le 2000 un grand
millésime, le 98 un petit chef d'œuvre !
Pour rester sur cette dernière impression bacchusienne, quittons
Saint-Macaire et sa demi-journée du polar et prenons la route
de Bordeaux.
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Dans
la rue Sainte-Catherine, résonnaient des musiques tribales
de l'Afrique du Sud. Le groupe Isizwe, composé de cinq
musiciens et de quatre chanteuses-danseuses, enchantait les oreilles
de tous les passants. Ils sont dans la région jusqu'en
octobre et cherchent des concerts, qu'on se le dise ! |
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Bernard Bec
Les personnes intéressées
par les adresses des sympathiques vignerons du Bordelais peuvent nous
les demander par courrier.
Frontignan : Le paradis, je vous
le dis !
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Vous imaginez,
vous qui êtes au nord de la Loire, des rues bordées
de platanes, des balcons en fer forgé, des volets en tuile
qui laissent juste filtrer un rai de lumière, des minots
et des minottes qui s'interpellent de maisons à maisons
dans les rues étroites de la vieille ville, une gare SNCF
à la Pagnol, des palmiers, des lauriers roses comme des
arbres et puis les odeurs de la cuisine du midi, celle de la fougasse
ou encore celle de la bourride. A dix minutes de Sète,
vous êtes à Frontignan.
Et le polar dans tout ça ? On y arrive ! |
Vendredi
5 juillet
C'est devant une bonne centaine de personnes et de nombreux écrivains
qu'a eu lieu l'inauguration du 5ème Festival International du
Roman Noir. Michel Gueorguieff, le président de l'association
Soleil Noir, a présenté cette nouvelle édition
comme celle de la reconnaissance de l'intercontinentalisation du Polar.

Les auteurs
investissent de plus en plus, par le biais de leurs écrits, des
continents qui n'ont pas vu naître ce genre de littérature,
comme l'Afrique et l'Asie, et deviennent ainsi anthropologues et ethnologues.
Le parallèle sera fait également pendant ce festival avec
l'approche anthropologique des écrivains dits "régionaux",
qu'ils soient de Marseille, de Lille ou du Poitou.
Pierre Bouldoire, le maire de Frontignan La Peyrade, a insisté,
en quelques mots, sur le rôle communautaire d'un tel festival
dans cette région du sud profond. Au fil des ans, la ville est
devenue une terre de rencontre et de partage.
Quinze minutes plus tard, les engagements de faire court respectés,
le muscat sec était offert sous les platanes du square de la
Liberté.
Autre moment sympathique, après le premier Café noir Expresso,
l'inauguration de la salle Jean-Claude Izzo et les vernissages des deux
expos de BD, la balade de bar en bar au son de "La frite noire".
Ces cinq jeunes musiciens frontignanais, dignes des meilleurs représentants
des nouveaux courants des Arts de la rue, ont servit de guides à
une cinquantaine de festivaliers. Après quelques arrêts
"Muscat", l'heure du repas sur la plage approchait pour tous
les participants à cette soirée inaugurale du 5ème
Festival de Frontignan, et quel repas ! Moules de Méditerranée,
broches, pommes de terre sous la cendre, le tout arrosé de coteaux
de Narbonne.
Et pendant ce festin sur la plage de la cité, cent cinquante
personnes assistaient à la projection de "Total Khéops",
au Ciné Mistral, en présence de son réalisateur
Alain Bévérini.
Minuit s'affichait à la pendule, la première journée
s'achevait.
Samedi 6 juillet
Cette journée s'est déroulée comme prévue.
Les débats, les cafés noirs expresso et les tables rondes
ont connu un franc succès. En moyenne, la fréquentation
a été de soixante à quatre vingt personnes. Les
thèmes de cette journée ont intéressé aussi
bien les visiteurs que les auteurs. Il a été question,
dans les débats, de l'analyse d'un milieu social par le biais
du roman noir, de l'enquête ethnographique effectuée dans
les récits d'enquête policière et de l'attirance
actuelle provoquée par les sociétés orientales
si lointaines des codes de vie de celles qui ont vu naître les
traditions du genre.
Si la matinée fut calme côté marché du livre,
l'après-midi connut des pics d'affluence. Les libraires et les
bouquinistes semblaient ravis de leur journée, les auteurs aussi,
les organisateurs un peu moins.
Située à cinq minutes de la plage la plus proche, Frontignan
La Peyrade est avant tout une cité balnéaire. En été
sa population passe de vingt à quarante mille habitants. Même
si cela peut faire rêver tout responsable de manifestation, il
n'est certainement pas facile d'intéresser des citadins en mal
de soleil à passer un moment avec des auteurs et à leur
acheter quelques bouquins. Saluons ici l'initiative de l'association
Soleil Noir qui a osé, avec une certaine réussite, bousculer
les habitudes classiques des vacanciers.
Cette deuxième journée se termina par une paëlla
géante servie sur une place de La Peyrade, sœur jumelle de Frontignan,
et par un bal populaire. Les flonflons et les cotillons, ça vous
bouge les Français et même les écrivains de polar
!
Parmi ces derniers, découvrons-en deux qui participaient à
la table ronde sur "L'exotisme, l'orient extrême".
Sarah DARS et Romain SLOCOMBE,
deux auteurs fascinés par l'Asie
Sarah DARS, après plusieurs
séjours en Inde, décide de donner vie à "Brahmane
Doc" l'enquêteur de ses romans policiers parus aux éditions
Philippe Piquier (Arles). Issu de l'une des quatre castes de l'Inde,
ce héros aurait pu être musicien, ingénieur, marchand,
policier ou médecin. Grâce à sa connaissance de
la tradition "Shastra" et de son livre savant, cet enquêteur
interviendra bien souvent dans des affaires touchant des membres des
trois autres castes. Originaire de Madras, c'est lors de voyages professionnels
ou familiaux, au nord comme au sud du pays, que "Brahmane Doc"
sera appelé à résoudre ces énigmes. Sarah
DARS permet ainsi aux lecteurs de suivre une enquête policière
et d'effectuer en prime un voyage initiatique au cœur de l'Inde et de
ses traditions.
Romain SLOCOMBE est fasciné
par l'Asie et par les femmes asiatiques. Dessinateur, ancien des Beaux-Arts
de Paris, membre du groupe d'artistes "Bazooka", il débute
sa carrière dans l'illustration. Dans les années 70/80
il dessine des couvertures chez Folio et 10/18 pour des écrivains
comme Kerouac, Miller, Brown ou encore Matheson. Au dessin il ajoute
des mots et en 1983 paraît son premier ouvrage "Phuong-Dinh
Express". Inclassable, le succès n'est pas au rendez-vous.
Un voyage au Japon et son approche de la philosophie orientale le motiveront
encore plus dans sa quête. Photographe, il signe des ouvrages
d'un genre medico-érotique. La reconnaissance de son travail
arrive en 2000 lorsque paraît à la Série Noire "Un
été japonais". Preuve en est, les célèbres
PUF viennent de rééditer son ouvrage de 1983. Entre ces
deux dates, Romain SLOCOMBE a écrit près de trente livres.
Dimanche 7 juillet
Une certaine nonchalance latine atteignait le Festival ou du moins ses
invités. Normal, après deux jours passés dans ce
paradis du sud, les raisons pour se la couler douce ne manquaient pas.
La prise du petit déjeuner dans le patio andalou-mauresque d'un
ancien couvent à Sète ou encore la balade sur le marché
coloré et parfumé de Frontignan en faisaient partie sans
aucun doute.
Arrivés sur les lieux du crime, aux alentours des 10h30, les
festivaliers regagnaient leurs places, sous les platanes, pour les premières
dédicaces ou comme certains, dont j'ai les noms, s'en allaient
chiner chez les bouquinistes.
Au programme de cette dernière journée : Tables rondes
à l'ombre des murs de l'église romane, signatures et rencontres
avec des auteurs au kiosque du square de la Liberté. Jacques
Vallet, calme et serein, pouvait essuyer les plâtres à
12 heures ou presque, Catherine Fradier, après avoir pris un
repas dans une ambiance de franche "déconnade", clôturait
avec maestria le cycle des Cafés Noirs Expresso de 2002.

La dernière table ronde
"Du régional au local : Polar et Identités"
fit salle comble. Mené de mains de maître par Gérard
Meudal, journaliste littéraire au Monde, et animé par
des auteurs en super forme, cet ultime échange d'idées
remporta un énorme succès et éroda quelque peu
les idées préconçues concernant l'enracinement
dans un terroir pour l'auteur de roman régional ou local.
Claude Amoz, première invitée à s'exprimer sur
le sujet, recherche le cadre de ses romans après avoir imaginé
et écrit l'histoire. Et pan !
Pierre d'Ovidio, exilé en Poitou, écrit des histoires
ancrées dans la région mais dont le héros est exilé
comme lui. 50 / 50 !
Jean-Paul Delfino place ses histoires là où il se sent
bien, chez lui, et préfère les qualificatifs de latins
ou de méditerranéens pour ses romans à celui de
marseillais même s'ils se déroulent dans la cité
phocéenne. C'est bien petit !
Louis Sanders, vivant en Dordogne où le monde rural se meurt
et où s'installe une importante communauté britannique,
raconte l'incompréhension qu'il y a entre les autochtones et
les nouveaux habitants. Belote !
Francis Zamponi, d'origine corse né en Algérie, toujours
à la recherche d'une identité, écrit sur ces deux
pays espérant la trouver. Re belote et dix de der !
Ces cinq auteurs se retrouvent tous sur la liberté d'expression
qui est de mise dans le genre polar, Jean-Paul Delfino et Francis Zamponi,
anciens journalistes, reconnaissent et dénoncent volontiers la
censure qui sévit dans la presse écrite. Pour le premier,
à la lecture de son dernier roman, une chaîne de télévision
lui a commandé un sujet sur les enfants du football enlevés
à leurs familles, en Afrique et en Amérique du Sud, par
des managers véreux et mafieux. Quant au second, ayant enquêté
sur une célèbre affaire d'assassinat dans laquelle apparaissent
les noms d'un ancien Président de la République et d'un
acteur fort connu, la rédaction d'une fiction lui permettra d'aller
plus loin dans le domaine de l'investigation que lorsqu'il écrivait
pour un journal.
A la levée de séance, aux alentours de 17 heures, le 5ème
Festival International du Roman Noir avait comme du plomb dans l'aile.
On est dans le genre jusqu'au bout ou on ne l'est pas !.
Encore quelques signatures, quelques congratulations, quelques verres,
les embrassades de rigueur et là ça sentait le sapin !
Laissons le mot de la fin à Pierre Bouldoire, le dynamique maire
de Frontignan ravi que cette cinquième édition d'un très
bon niveau ait été suivie par de nombreux Frontignanais.
Ses administrés n'étaient pas les derniers à venir
assister aux tables rondes, à faire leur réserve de livres
ou à participer aux rencontres. Les habitants de cette ancienne
cité industrielle et ouvrière ont appris à se serrer
les coudes depuis les années 1980/90 et participent largement
à l'animation de la ville. Des ponts ont été créés
avec succès entre les différents milieux associatifs et
cette nouvelle réalité réjouit le maire de Frontignan
qui a parié sur le dynamisme de ses administrés. Pierre
Bouldoire, en honnête militant, se consacre entièrement
à sa commune. Résultat : malgré une perte de 25
% de la taxe professionnelle depuis 1992, la gestion de la ville est
saine et la population n'a cessé d'augmenter. Elle est passée
de 15 à 20000 habitants en dix ans. Élu maire pour la
première fois en 95, en plein marasme, Pierre Bouldoire a été
réélu l'année dernière.
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18h30,
ce dimanche 7 juillet,
le 5ème Festival International du Roman Noir de Frontignan
est mort, vive le 6ème et rendez-vous l'an prochain !
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Remerciements pour l'accueil
à toute l'équipe de Soleil Noir, aux employés de
la mairie et de la bibliothèque et à tous les membres
de l'association Cybélios.
Portrait
/ Jean-paul Delfino
Bernard Bec