R O M A N S
24/11/2007

Putains de pauvres !
Maurice Gouiran

Editions Jigal
250 p / 16€

Putains de pauvres !
Métro marseillais. Arrêt. Les portes coulissent, un SDF entre dans le wagon pour faire la manche. Réprobations unanimes des voyageurs. Station suivante, le sans domicile fixe descend. La rame repart. Le clodo est poussé sur les rails à l'arrivée de la suivante. Dans le journal local du lendemain, deux lignes : « un geste de désespoir ».
Quartier nord, un gros 4x4 noir, vitres foncées. Ses occupants semblent patrouiller. Deux SDF se mettent à l'abri d'un container, ils ont liquidé deux bouteilles de picrate plus proche du Destop que du vin. Les occupants de la grosse Toyota sont masqués (en plus d'être lobotomisés). Les encagoulés jettent de l'essence sur le duo de poivrots et mettent le feu. Le lendemain, dans la rubrique faits divers : « règlement de comptes entre SDF ».
Voudrait-on supprimer tous les pauvres ? Après tout, ils sont les « dommages collatéraux » du capitalisme, c'est ce que doivent penser les ultralibéraux qui nous gouvernent.
Une bonne épidémie mortelle pour les sans abri serait la bienvenue, mort aux pauvres ! Si on pouvait vider tous les squats en éliminant ceux qui les occupent ! Et pourquoi pas un virus comme le H1N1 responsable de la grippe espagnole qui, en 1918-1919, a tué 50 millions de personnes dans le monde ? (ne pas confondre avec le H5N1 de la grippe aviaire).
Les promoteurs et les investisseurs se frotteraient les mains en rasant et en reconstruisant du neuf destiné à ceux qui peuvent payer un bon loyer.

L'auteur franchit le pas. Clovis Narigou nous entraîne alors dans une enquête qui va nous mener au Portugal, en Laponie et aux États-Unis. C'est avec beaucoup d'humour qu'il nous dépeint les bien-pensants devant leur « jité » en train de se « poivred'arvoriser » et se donner bonne conscience en envoyant un chèque à la Croix Rouge ou à MSF. Maurice Gouiran ne fait pas de détail, il frappe où ça fait mal. Ce livre est à lire absolument.

Patrice Farnier


Identité sous contrôle
Joseph Ouaknine

Edition du bout de la rue
203 p / 15€

Identité sous contrôle
Au bout de cinq ans de prison, Philippe s'évade avec l'aide d'un de ses codétenus, Manu. C'est d'une facilité déconcertante. Quelques prostituées retiennent l'attention des gardiens pendant que Manu prend en passager Philippe , sur une puissante et rapide moto. Direction la Suisse pour se refaire une nouvelle identité. Chirurgie esthétique, nouveau nom avec les papiers correspondants et même nouvelle nationalité. Dorénavant, il se nomme Lucco Barbiéri et est italien.
Philippe , maintenant, peut imaginer une vengeance. Il va la penser, la mijoter, tout mettre au point, quasiment minute par minute.
Joseph Ouaknine nous fait partager les pensées et les intentions de tous les intervenants de son bouquin.
Madeleine, l'épouse de celui que Philippe a étranglé en le découvrant dans son lit avec son épouse Françoise, Madeleine, disais-je, le démasque en observant ses façons de faire et de réagir dans certaines situations. Elle se doute que Lucco Barbiéri est bien le meurtrier de son mari, malgré son nouveau visage et sa nouvelle identité.
En fait, au fur et à mesure que l'on avance dans le livre, on se rend compte que tout le monde est au courant, sauf, bien sûr, l'intéressé. Tous sur la défensive et prêts à mordre pour défendre leurs intérêts.

Ce livre est surprenant par son écriture, l'auteur a le don de nous faire prendre les pieds dans le tapis, et nous, pauvres lecteurs, nous sommes baladés et menés par le bout du nez. Il faut bien le dire, la fin de l'énigme arrive bien trop tôt, on en aurait demandé un peu plus. De la gourmandise ?

Patrice Farnier


Vogue, bel engatseur
Del Pappas

Editions Jigal
208 p / 15€

Vogue, bel engatseur
De retour à Marseille après une demie année « sympathique » passée en Grèce (je n'ai pas pu m'empêcher de la faire celle-là), surtout pour panser quelques blessures, aussi bien physiques que morales, Constantin, dit le Grec, décide de devenir pescadou (pêcheur).
C'est décidé, il va acheter un pointu. Pour cela, il va se faire aider par Féfé, un ancien bourlingueur des mers. Ils décident donc, pour essayer le bateau, d'aller à la pêche aux oursins. Ils se font prêter du matériel de plongée et, en pleine récolte de ces délicieuses châtaignes de mer, ils découvrent l'épave récente d'un avion.
Dans celui-ci, deux corps, à moitié dévorés par les poissons et les crabes, et quelques ballots de drogue.
Ils ne le savent pas, mais ils sont surveillés. Par la police ? La mafia ? Les trafiquants ? Ils décident de replonger le lendemain pour sortir cette drogue. Mais le soir même, la fille adoptive de Féfé est enlevée ? Les ravisseurs, pour montrer qu'ils ne plaisantent pas, coupent un doigt de la gamine et le font parvenir à son père. Après une petite enquête, Constantin et Féfé découvrent l'endroit où pourrait être retenue la jeune fille. Ils décident d'employer les grands moyens. Le lieu de détention est gardé par les Hels Angels (des Hels avec l'accent marseillais, ça doit faire drôle, non ?). L'attaque se fera au lance-flammes, vous imaginez la tronche des proprios des Harley qui explosent les unes après les autres.
Nos héros délivrent la fille, mais ils ne sont pas sortis de là pour autant.

Del Papas nous fait visiter Marseille, soit, mais aussi Auschwitz, l'Amérique du sud, et tout ça, avec une multitude de rebondissements et surtout de cadavres. Ça révolvérise, ça carbonise enfin ça trucide à tout va.
Il y a aussi beaucoup d'humour et un cours magistral de drague. Enfin, un bon polar.
Le lecteur ne doit pas se priver du glossaire, sinon il y aura quelques incompréhensions sauf s'il est Marseillais.

Patrice Farnier


Le temps de la sorcière
Arni Thorarinsson

Métailié
332 p / 20€

Le temps de la sorcière
Einar est journaliste et travaille au « Journal du soir ». Il a été chargé de rejoindre la nouvelle agence du journal qui s'est ouverte à Akureyri, la plus grande ville du nord de l'Islande. Il est accompagné de Joa, sa photographe. Einar ressent cette nouvelle affectation comme un exil forcé d'autant plus qu'il devra travailler en collaboration avec Asbjörn, avec lequel il entretient des relations tendues au départ. En route avec sa photographe, Einar se rend sur les lieux d'un accident de rafting pour y faire un reportage. Une femme est tombée dans la rivière glaciaire et s'est tuée. Il s'agit de l'épouse du directeur d'une usine de bonbons d'Akureyri. Parallèlement, le journaliste va interroger de jeunes lycéens qui ont montés une pièce du XIXe siècle, « Loftur le Sorcier ». Alors que la première de cette pièce devrait avoir lieu, le jeune homme qui tient le rôle titre a disparu. L'affaire est confiée à la police. De son côté, Einar est contacté par la mère de la femme tombée dans la rivière. Celle-ci est persuadée que sa fille a été assassinée, mais personne ne veut la croire.
Einar se montre sceptique quant à l'utilité de sa présence dans cette ville qu'il ne connaît pas. Il est bien conscient que c'est son alcoolisme qui l'a conduit là, même s'il a arrêté de boire de sa propre volonté. Que va-t-il tirer de ce passage au purgatoire ? Va t-il malgré tout rendre son séjour plus intéressant par les reportages qu'il décident de faire, contredisant ainsi les directives de son rédacteur en chef qui lui dicte ses priorités depuis la capitale. Il va découvrir les problèmes opposant les Islandais de souche aux nombreux émigrés de tous pays venus fournir une main d'œuvre bon marché pour le chantier d'un barrage. Les confrontations sont violentes, mais la police cherche à minimiser les choses, trop d'intérêts sont en jeu.
A travers des faits divers tragiques, se profilent les réalités d'une micro société peu à peu gangrenée par la corruption. Sont dénoncés les fléaux qui s'abattent sur une communauté en plein bouleversement.

Un récit assez défaitiste, ponctué par un peu d'humour et une critique acerbe de la société islandaise. Les personnages sont entiers et très convaincants tant ils paraissent authentiques.

Dany Neuman


Les fleurs du bal
Noël Balen

Fayard
290 p / 18,50€

Les fleurs du bal
Les douze seigneurs du show-biz allaient bientôt ne plus être qu'onze. La faute à Betty Moore, alias Nathalie Cazalotte, que les autres membres de l'orchestre international Atlantic-Folies devaient découvrir raide morte au petit matin dans leur car de tournée.
A Fronton, la veille, Betty avait stoppé son tour de chant because deux pétards que lui avaient lancés des mômes. Ras le bol de ces bals de nazes !
Et là, ce matin, à l'arrêt petit déj', la voici découverte par Virginia la seconde chanteuse. Elle gisait dans sa couchette, étranglée par une corde métallique. Celle d'une guitare ?
C'est au commandant de police Saturnin Loze qu'incombe, après le débroussaillage effectué par le brigadier Capdenelle de la Gendarmerie Nationale, de résoudre l'ensemble de l'énigme. Il est accompagné de Sérantino, son stagiaire et chauffeur. Le commandant ne conduit pas.
L'orchestre devrait pouvoir repartir dans sa fabuleuse tournée après le passage de la scientifique. L'enquête est lancée, le road movie des Atlantic Folies et du commandant Loze aussi.

Ça se lit fastoche, la ballade est plaisante sauf que la musique n'adoucit pas les mœurs du côté du Sud Ouest de Noël Balen. Pauvres musicos des baloches de la France profonde !

Bernard Bec

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